Ventes douteuses de legs, coûts de travaux exorbitants sans appel d’offres, recrutements illicites, détournement de dons, vétusté des refuges, accumulation de biens, querelles intestines…
la SPA aurait-elle fait passer ses intérêts avant ceux des animaux ?
« Ce que nous entendons dire aux nombreux donateurs de la première association de protection des animaux en France, c’est ”Attention, casse-cou” ! »
Philippe Seguin, premier président de la Cour des comptes de Paris, ne mâche pas ses mots lors de la présentation de son rapport* sur la gestion de la SPA durant les années 2003 à 2007.
Excédé, il reconnaît n’avoir encore jamais été confronté à ce genre de problème. « C’est le troisième rapport que la cour réalise sur la SPA.
Les observations défavorables de 2002, puis les critiques plus sérieuses sur la gestion des dons et legs en 2004 peuvent être reprises cette année. Rien n’a changé, ce qui a fragilisé la SPA dans le contexte économique actuel », dénonce-t-il en regrettant que les promesses d’hier n’aient pas été tenues.
Une gestion douteuse des dons et legs
Et notamment au niveau de la collecte des dons et des coûts y afférents.
La somme récoltée auprès du public s’élève à 24 millions d’euros, dont 80% sont issus de legs.
A elle seule, cette enveloppe du « cœur » des plus de 96000 donateurs représente 66% des recettes.
Le rapport épingle l’association non seulement sur le coût du traitement de ces dons mais aussi sur la gestion obscure des legs.
Ainsi, lorsqu’un donateur verse 100 euros à la SPA, 57 parviennent réellement aux animaux.
43 euros sont en effet consacrés à la recherche de nouveaux dons.
Il en faut 15 seulement dans la plupart des autres associations.
Concernant les legs (la SPA « hérite » de 200 à 300 biens chaque année), alors que la Cour des comptes avait constaté en 2002 des détournements et mis en garde les représentants de la SPA, les pratiques ont perduré.
La cour évoque principalement le traitement des legs par un unique commissaire priseur situé dans le Massif central et la vente de nombreux biens à un seul acquéreur, suspectant une attitude préférentielle.
En outre, l’amateurisme et la négligence du service chargé du traitement des legs ont contribué à laisser en attente une quantité non négligeable de demandes de notaires ou de co-légataires.
Des réserves considérables inutilisées
Les largesses du public ne sont pas non plus employées à hauteur de ce que peuvent espérer les donateurs.
En effet, le rapport met en lumière les réserves de l’association qui s’élèvent à 79 millions d’euros, représentant aujourd’hui presque trois ans de dons et legs. Ces réserves, si elles témoignent d’une gestion prudente, elles sont jugées excessives compte tenu des besoins immenses des refuges de l’association.
La SPA se prendrait-elle pour Picsou qui, plongeant chaque matin dans son tas de pièces d’or, oublie d’en distribuer quelques-unes à ses neveu et petits-neveux légitimes et nécessiteux ?
5 millions d’euros (sur un budget global de 24 millions), c’est en effet le modeste montant que la SPA consacre chaque année aux investissements pour venir en aide aux animaux perdus et abandonnés.
Une somme que les 58 refuges, 12 dispensaires et un centre de stérilisation doivent se partager alors que les conditions d’hébergement, d’hygiène et de sécurité des chats et chiens sont indignes selon le rapport.
Les rénovations des refuges quand elles sont décidées se révèlent en revanche très coûteuses.
Une anomalie que la Cour des comptes met sur le compte d’un défaut d’encadrement des constructions et d’une piètre maîtrise des délais et des coûts.
A l’exemple du refuge de Mougins, qui a déjà coûté 2,5 millions d’euros aux donateurs alors qu’il n’est achevé que pour moitié. Le chantier est aujourd’hui à l’agonie suite à la mise en règlement judiciaire de l’entreprise chargée des travaux.
Une autre enveloppe de 850 000 euros, versés en 2008, a été également octroyée à la même entreprise pour la construction d’un nouveau refuge dans le Val d’Oise alors que le terrain n’était même pas acheté !
Un fonctionnement défaillant
Pour la Cour des comptes, ces malversations, dysfonctionnements et ce que l’on peut qualifier de pratiques à la limite de la légalité sont en grande partie dus au fonctionnement même de la SPA.
Elle pointe particulièrement du doigt le manque de contrôle des instances dirigeantes sur la gestion des dons et legs, la mauvaise estimation et le manque de suivi des dépenses, le recours systématique à des prestataires sans procéder à l’appel d’offres obligatoire, l’absence d’autorité de la direction générale, les irrégularités dans le recrutement des cadres qui n’ont pour la plupart ni les compétences ni le parcours professionnel requis pour mener à bien les missions confiées.
Enfin, elle souligne le frein majeur au respect des engagements pris par la SPA : les querelles intestines d’un siège plus attaché à détenir le pouvoir qu’à venir en aide aux animaux.
Des soupçons pesants
Des guerres qui empêchent le fonctionnement normal des instances dirigeantes entraînant des blocages fréquents.
Elu pour un an, le président, qui est en principe l’unique détenteur du pouvoir exécutif, est en effetobligé de se livrer à des alliances ruineuses en énergie pour prendre une décision que son successeur peut annuler.
Pire, les exigences morales du conseil d’administration semblent bien faibles. N’a-t-il pas réélu en son sein une ancienne présidente qui avait été reconnue coupable d’abus de confiance et condamnée en appel à six mois de prison avec sursis et à près de 35 000 euros de dommages et intérêts sous prétexte qu’elle n’avait pas fait de mal aux animaux ?
Ces petits arrangements avec la loi et la morale ont conduit cette prestigieuse maison au service de la cause animale devant la cour des Compte qui, cette fois, n’entend pas être indulgente et se limiter aux observations, critiques et recommandations.
Des mesures administratives et judiciaires
Le procureur de la République a été saisi afin de sanctionner les graves manquements relevés dans le rapport.
A ce jour, une plainte contre X a été déposée afin de faire toute la lumière sur les ventes à un acquéreur unique de nombreux biens à des prix souvent en dessous du marché.
L’Urssaf a, de son côté, entamé des procédures de redressement et dénoncé des recrutements irréguliers qui ont permis à la SPA de se soustraire aux cotisations sociales.
En outre, le tribunal de grande instance de Paris devra désigner, dans les jours qui viennent, un administrateur judiciaire pour mette en œuvre et accompagner les réformes nécessaires et se substituer, si besoin, aux dirigeants actuels.
A terme, si la SPA ne rentre pas dans le rang, elle pourrait voir remis en cause son statut d’utilité publique, qui l’autorise notamment à percevoir des donations et des legs et la légitime auprès du grand public.
Mais d’ores et déjà, c’est la confiance des donateurs que la SPA est en train de perdre.
Plus de 96 000 personnes qui, chaque année, lui confient une somme qu’elles entendent bien voir aller aux animaux qui souffrent.
Pour certains, c’est l’épargne d’une vie qu’ils remettent entre ces mains pensant faire un dernier geste utile pour ceux qu’ils ont aimés de leur vivant. Trahir cette confiance, c’est trahir l’amour.
Celui que nous sommes en droit d’exiger d’une association qui a fait de la cause animale sa première mission…
Katia Renard, rédactrice en chef du magazine 30 Millions d'Amis
(Photos Biosphoto)
Pour plus d'informations :
* Vous pouvez consulter l’intégralité du rapport de la Cour des comptes en tapant le lien suivant : http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/COFAGP/Rapport-SPA.pdf
* Vous pouvez vous rendre sur le site de la Fondation 30 Millions d'Amis
Encadré : Responsable mais pas coupable
Présidente depuis novembre 2008 et entrée dans la grande maison depuis presque 5 ans, Virginie Pocq-Saint-Jean ne conteste pas le rapport de la Cour des comptes. « Lorsque j’ai été élue, je savais parfaitement que j’héritais d’un système aux pratiques douteuses, explique-t-elle, mais c’est le fait d’une poignée de saligauds avec lesquels je n’ai rien à voir au niveau de l’éthique. Je ne suis pas en train de me défausser, mais je savais en arrivant que je me mettais en travers d’eux. Dès le début, j’ai alerté le procureur de la République*, par l’intermédiaire de notre commissaire aux comptes, de la situation comptable anormale au sein de la SPA, mais les choses ont traîné. Ce qui est sûr c’est que ces dysfonctionnements ne peuvent pas rester en l’état. Ce qui arrive est un mal pour un bien. Si cela peut remettre de l’ordre, tant mieux. En attendant, je lis un peu partout que certaines associations de protection des animaux se frottent les mains. Je trouve cela ignoble ! Car ce sont d’abord les animaux qui vont subir les conséquences de ce scandale. »
Si l’opinion publique et nous, journalistes, ne doutons pas que les quelque 600
salariés de la SPA n’ont pas tous les mains sales, il reste difficile à comprendre comment les administrateurs actuels et anciens, qui siégeaient à toutes les assemblées générales et – de par leurs fonctions – devaient être au courant des décisions prises, n’ont pas réagi plus tôt et surtout plus vivement**. A ce niveau d’encadrement, si on n’est peut-être pas coupable, on est sans l’ombre d’un doute responsable.
K.R
* Par une lettre en date du 11 octobre 2008 dénonçant l'attribution des travaux du refuge de Mougins à un prestataire à la situation financière incertaine.
· ** La SPA fait mention d’une lettre ouverte à la présidente en poste, le 17 janvier 2007, adressée par une poignée d’administrateurs pour faire part de leurs inquiétudes quant à certaines décisions prises en contradiction totale avec les recommandations de 2004 de la Cour des Comptes.
http://www.tele-animaux.com/actualite,article,la-spa-trahit-ses-donateurs:6595.html