Et si l'on analysait le problème du loup sous l'angle purement économique?
Actuellement, lorsqu'une brebis se fait tuer par un loup, l'éleveur est indemnisé par la Confédération via le canton.
Les barèmes de la Fédération suisse d'élevage ovin règlent assez précisément le prix à payer, en fonction de l'âge et de la qualité de la bête.
Un agneau entre 5 et 12 mois tué par un loup est, par exemple, remboursé entre 250 et 350 francs.
Tout dépend de son type (croupe, longueur, hauteur), de son homogénéité et de l'aspect de sa laine.
Mais en règle générale, pour la même bête, un éleveur touchera un peu plus qu'à la boucherie. Si le projet initial aboutit, le boucher achète un agneau C3, de ceux présentant l'engraissement maximal, à 10 fr.50 le kilo au poids mort (tué, dépouillé et sans la tête).
Sachant qu'un agneau pèse entre 20 et 22 kilos poids mort, il rapporte entre 200 et 250 francs.
Un loup paie bien mais pas assez
Le même calcul est faisable sur toutes les autres catégories de bêtes.
De la brebis de moins de 5 mois à 150 francs jusqu'au bélier de grande valeur à 3000 francs.
Une bête arrachée par un loup paie un peu mieux, mais pas assez pour compenser les pertes indirectes.
«Si une brebis meurt, les deux agneaux qu'elle allaite que l'on perd aussi ne sont pas indemnisés», explique Florian Volluz, président de l'Association des éleveurs ovins et caprins du Valais romand.
Dans le cas du loup, le stress engendré sur l'ensemble du troupeau (moins de lait, moins d'engraissement, avortements) n'est pas pris en compte non plus.
Cette année, une septantaine de bêtes ont été tuées par des loups.
C'est peu par rapport aux quelque 10 000 ruminants qui meurent chaque année dans les alpages suisses.
Les principales causes de décès sont la maladie, la foudre ou le dérochage. Parfois, un troupeau entier peut tomber dans un ravin.
Dans ces cas-là, pas d'indemnisation.
«Les assurances sont beaucoup trop chères», selon Florian Volluz.
A moins que l'éleveur n'arrive à prouver que le dérochage est dû à l'armée.
Il faut savoir que le bang des avions de chasse, lorsqu'ils franchissent le mur du son, affole les moutons.
«Il peut arriver qu'un troupeau entier se jette dans un précipice», admet le Dr Thomas Schlatter, vétérinaire expert depuis vingt-cinq ans auprès du Centre de dommages du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS).
Les vaches, elles, ne sont pas dérangées par le bruit; elles peuvent en revanche être effrayées par des fusées éclairantes.
Et dérocher aussi.
Un cheval touché par ricochet
Selon nos informations, il est également arrivé qu'une vache se fasse exploser par un tir de mortier.
Les animaux morts au feu sont toutefois extrêmement rares.
Selon Josef Leu, chef du Centre de dommages, le dernier remonte à trois ans: un cheval touché par ricochet.
Toutes causes confondues, dans lesquelles on compte aussi les chiens écrasés par des camions militaires, «il y a moins de dix bêtes tuées par année», assure Josef Leu.
Mais, lorsque cela arrive, les indemnités sont «généreuses».
Serait-ce la raison pour laquelle on entend autant parler des attaques de loup et jamais des accidents dus aux militaires?
«Aucun agriculteur ne fait de l'élevage pour que ses bêtes se retrouvent sous les crocs d'un loup», assure Christine Cavalera, biologiste chargée de la question loup au Service valaisan de l'agriculture.
Les bêtes sont bien sûr destinées à l'abattage, admet-elle, mais pas dans ces circonstances de longue agonie. «Indemniser davantage ne résoudrait rien, estime également Reinhard Schnidrig, chef de la section Chasse et faune sauvage de l'Office fédéral de l'environnement. La question du loup est trop émotionnelle.»
http://www.lematin.ch/actu/suisse/mieux-vaut-mouton-tue-armee-loup-310733