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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 15:34

 

Ils sont nés au milieu du printemps, et le film ci-dessous, depuis, n'en finit plus de faire le tour de la Toile.

 

Diffusé par le zoo Skazka de Yalta, dans le sud de l'Ukraine, il annonce à la terre entière que la tigresse blanche Tigrioulia, ainsi nommée en l'honneur de l'opposante et ex-première ministre Ioulia Timochenko, a mis au monde quatre tigreaux de même couleur (l'un d'eux est même albinos). Irrésistibles, n'est-ce pas?  Mais ces quadruplés, s'ils assurent à leurs détenteurs un beau succès pour l'été, font grincer bien des dents.

 

 


"Nous sommes heureux que ces bébés soient sains et forts", ont commenté les responsables du zoo.

 

Ils peuvent l'être!

 

Car si les tigres blancs sont si rares,  ce n'est pas parce que leur habitat naturel est ravagé par la déforestation - une fois n'est pas coutume -, mais  parce qu'ils résultent d'une anomalie de la nature.

 

Anomalie magnifique, mais qui ne suffit pas à en faire une sous espèce à part entière.


Le tigre blanc n’a rien à voir non plus avec le fameux « tigre des neiges », ou tigre de Sibérie, comme on le croit souvent.

 

Il s'agit tout simplement d''un tigre du Bengale (la sous-espèce la plus répandue), auquel une mutation génétique - appelée leucisme - a ôté  sa couleur fauve.

 

Le tigre blanc peut donc se reproduire avec les autres tigres du Bengale.

 

Mais sa mutation étant récessive, il perd alors sa somptueuse fourrure crème rayée de noir.


Voilà pourquoi le tigre blanc n’existe pas dans la nature.


Comme le rappelle le site militant Code animal, cette lignée  trouve son origine dans un unique individu, nommé Mohan et capturé en 1951 par le maharajah de Rewa (nord de l’Inde).

 

Accouplé avec sa propre fille, Mohan donna naissance à quatre tigreaux  blancs, qui furent eux-mêmes mis à contribution pour transmettre leur mutation de façon visible.


Voilà donc le hic: pour conserver sa robe si prisée, le tigre blanc doit se reproduire avec ses cousins les plus proches - ou mieux encore, avec sa propre fratrie ou descendance.

 

Une consanguinité qui fragilise un peu plus les animaux à chaque génération, et qui se traduit par une forte mortalité à la naissance.

 

Avec, pour les survivants, des risques non négligeables de présenter d’autres anomalies  – strabisme, déficience immunitaire, scoliose ou malformations.


Le tigre blanc est un tigre du Bengale, mais privé de sa robe fauve


Pourquoi, alors, perpétuer la lignée?

 

Parce que le public se l'arrache!

 

Celui des cirques  tout d'abord, auxquels la blanche créature fut longtemps destinée en priorité.

 

Et plus récemment celui des zoos.

 

On estime qu'il y a aujourd'hui plusieurs centaines de tigres blancs dans le monde,  répartis pour l'essentiel  dans des parcs nationaux et zoologiques.

 

Rien qu'en France, plusieurs zoos en possèdent.

 

En 1991, celui de Beauval fut le premier à accueillir un couple: il y est toujours, et fit aussitôt grimper ses recettes en flèche.


Ces établissements privés  peinant souvent à joindre les deux bouts, comment résister à cette manne?

 

C'est en tout cas l'opinion de Marc Muguet, directeur du Domaine des Fauves (ancien zoo des Abrets, dans l'Isère), où Sanka,  née le 7 mai 2011 à Touroparc (Saône et Loire), est arrivée en mars.

 

Un compagnon nommé Kalan  l'a rejointe depuis, né le 5 juin 2011 au zoo de Maubeuge.


Dans un communiqué diffusé le 9 avril, Marc Muguet justifie ce choix:

" C'est vrai qu'au niveau de la conservation des espèces, il n'y a pas d'intérêt zoologique à détenir ces animaux. Mais ils sont là, ils existent dans de nombreux parcs, et je trouve normal que les Rhônalpins puissent voir un tigre blanc sans être obligés de faire plus de 150 km. C'est aussi ça la nature, des anomalies génétiques, et je pense que c'est intéressant aussi d'expliquer aux visiteurs à travers plusieurs panneaux pédagogiques comment de tels animaux existent. Enfin c'est une manière de sensibiliser le public sur la grave menace d'extinction qui pèse sur les tigres en général".


Tous ne sont pourtant pas d'accord avec cette philosophie.

 

Aux Etats-Unis, l'Association des zoos et des aquariums (AZA) a publié l'année dernière un livre blanc (White paper) recommandant l'interdiction de ces pratiques de reproduction "destinées à augmenter l'expression phénotypique de certains allèles rares", dont les conséquences physiques et biologiques "compromettent sérieusement le bien-être des animaux". 


"Ces pratiques d'élevage sont également problématiques dans une perspective de conservation", ajoutent les experts de l'AZA. Une opinion que partage Pierre Gay, ex-directeur du Bioparc zoo de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire), très impliqué dans la conservation d'espèces menacées et membre de l'Association européenne des zoos et des aquariums (EAZA):

"On compte environ mille parcs zoologiques dans le monde susceptibles d'accueillir des tigres dans de bonnes conditions. Or, ces lieux ont pour mission de conserver la biodiversité et de garantir la survie des espèces en voie d'extinction. Il est donc nécessaire d'y réserver  les enclos à tigres aux sous-espèces pures les plus menacées dans leur milieu naturel. Pas  à des tigres de cirque", juge-t-il.

 

Quatre d'un coup

 

Toutes sous-espèces confondues, il reste actuellement moins de 3 500 tigres à l'état sauvage, répartis dans treize pays du continent asiatique et pour la plupart regroupés dans des biotopes fragmentés représentant moins de 7 % de leur ancienne aire de répartition.

 

Parmi les plus menacés: le tigre de Sumatra et celui de Sibérie.


Une fois tout cela en tête, on regarde autrement les  petits de Tigrioulia, non? Et pourtant, c'est vrai qu'ils sont sacrément mignons...

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