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28 juillet 2011 4 28 /07 /juillet /2011 20:00

Dans les Vosges, le loup est revenu et a tué.

Avec la bête ont ressurgi la colère et la peur.

L’animal sauvage, protégé, n’a pas réglé le conflit sans fin qui l’oppose à l’homme.

Presque vingt ans après son retour naturel en France, il faut toujours apprivoiser sa présence.

Réapparu dans le Mercantour en 1992, le loup est un sujet conflictuel. (Photo PNM – Christian Joulot)

Réapparu dans le Mercantour en 1992, le loup est un sujet conflictuel. (Photo PNM – Christian Joulot)

Mercantour.- de NOTRE ENVOYée Spéciale

 

Jean Ichter fend l’air avec son filet.

 

En ce début juillet, sur le plateau de Sestrière, en Haute-Tinée, à plus de 2000 m d’altitude, il chasse les papillons, en compagnie de naturalistes locaux et de scientifiques italiens.

 

Le jeune Strasbourgeois est l’un des assistants techniques engagés dans le cadre de l’Inventaire biologique généralisé réalisé conjointement par le Parc national du Mercantour et le Parco Alpi Marittime italien.

 

En ce beau jour d’été, des vautours fauves rôdent dans le ciel, tandis que des marmottes s’égaient dans l’herbe fraîche.


Ici même, en avril, sur la commune de Saint-Dalmas-le-Selvage, a eu lieu la capture d’une jeune louve d’environ 2 ans, pesant une trentaine de kg, Dans le cadre du programme de recherche Prédateur-Proies, lancé par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, le CNRS et la Fédération départementale des chasseurs des Alpes-Maritimes, avec le Parc national du Mercantour, l’animal a été équipé d’un collier GPS avant d’être relâché sur le lieu de sa capture.

Au sommet de la chaîne alimentaire

L’objectif de ce programme est d’étudier l’incidence de la prédation du loup sur les ongulés sauvages (cerf, chevreuil, chamois, mouflon), qui constituent le régime alimentaire de prédilection du carnivore, dont l’opportunisme ne dédaigne cependant pas de plus petites proies.

 

Dans les zones d’élevage, le loup, au sommet de la chaîne alimentaire dans son écosystème, n’hésite pas à attaquer les troupeaux domestiques, particulièrement les petits ruminants, les ovins en tête (ils représentent plus de 95 % des victimes).


Dans les Alpes-Maritimes, où le prédateur est réapparu en 1992, six meutes sont répertoriées, soit un peu moins d’une trentaine d’animaux.

 

« La problématique est stabilisée depuis dix ans dans le département, car tous les sites potentiels ont été colonisés », souligne Louis Bernard, chef du service local de l’ONCFS.


Vingt ans après ce retour, le loup reste un sujet sensible et conflictuel. « Clivant », résume Florent Flavier, responsable de la communication du Parc national du Mercantour.

 

Le déclenchement depuis mai d’un protocole de tir mortel, pour prélever un loup dans la vallée voisine de la Vésubie, n’a ainsi pas contenté les éleveurs qui jugent les moyens engagés insuffisants.


Dans le Mercantour, et plus largement dans l’ensemble des sites progressivement recolonisés par l’espèce, le loup « pose des difficultés pour l’élevage », souligne le Plan d’action national sur le loup 2008-2012.


Partout où vit le grand prédateur, il faut apprivoiser sa présence, au suivi scientifique de l’espèce, protégée, combiner des mesures d’indemnisation des dommages subis, protéger les troupeaux et assister les éleveurs.

 

Doivent se concilier la poursuite d’activités pastorales et d’élevage et le développement maîtrisé de la population des loups, dont l’évolution démographique va croissant – « un doublement du nombre de zones de présence permanente tous les 5 ans », selon le Plan loup, avec un taux de reproduction supérieur au taux de mortalité.

Une attaque est toujours un traumatisme

Apprivoiser cette présence du loup ne va pas de soi. L’émoi, la crispation et la colère qu’a suscités le retour confirmé du loup dans les Vosges, l’ont montré.

 

« Une attaque est toujours vécue comme un traumatisme », reconnaît volontiers Florent Flavier.

 

On ne s’habitue jamais au loup : on vit avec.

Avec, quand on est éleveur ou berger, cela passe par des mesures de protection des troupeaux domestiques contre la prédation, couplées au recours à l’indemnisation des dégâts dus aux loups, financée par l’Etat.

 

Le regroupement en parcs de nuit a montré son efficacité globale, mais dans les Alpes du sud, le loup, semble-t-il s’est adapté à la situation, reportant sa chasse le jour. Les chiens de protection jouent par ailleurs un rôle essentiel, à la fois de dissuasion et de réduction du nombre de victimes.

 

Et c’est lui qui vient donner l’alerte au gardien du troupeau.

 

Le retour des chiens de protection est toutefois un possible objet de conflit avec les chasseurs, d’autant qu’ils peuvent aussi adopter des comportements prédateurs sur le gibier.


D’autres mesures existent, très encadrées, qui consistent en des opérations d’effarouchement, l’autorisation de tirs de défense (67 ont été déclenchés en 2009) et de tirs de prélèvements.

 

Mais ces tirs de régulation sont rares, s’agissant d’une espèce protégée.

 

L’arrêté du 7 juin 2010 a fixé à 6 le nombre de tirs pouvant être accordés par les préfets pour la période 2010-2011.

 

Un loup a été tué en Haute-Savoie en 2009 dans ce cadre.


C’est la mise en œuvre combinée de ces moyens de protection qui permet de gérer au mieux la cohabitation avec la population lupine.

 

Dans les zones de colonisation récente, passé le choc initial de son retour, il faut réapprendre à vivre avec le loup et se plier aux règles que le grand prédateur impose.


Et l’homme ? Le loup se tient loin de lui. « Le risque de comportement agressif vis-à-vis de l’homme est extrêmement faible », indique le Plan loup.

 

Sur le plateau de Sestrière, en ce mois de juillet, les papillons volent tandis que le grand prédateur reste invisible, divaguant dans notre imaginaire à pas de loup, silencieux et fascinant.


Nathalie Chifflet

http://www.dna.fr/fr/infos-generales/france/info/5472489-Alpes-Maritimes-Dans-le-Mercantour-VIVRE-AVEC-LE-LOUP

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